Le retour du RPG exigeant : comment Baldur’s Gate 3 et Clair Obscur ont changé les règles

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Pendant longtemps, le RPG a semblé s’excuser d’exister. Il s’est simplifié, lissé, parfois vidé de sa substance, comme s’il devait prouver qu’il restait fréquentable. Puis deux jeux sont arrivés et ont tout remis en question. Baldur’s Gate 3 et Clair Obscur: Expedition 33 n’ont pas cherché à plaire à tout prix. Ils ont choisi la profondeur, l’exigence et l’intelligence du joueur. Et contre toute attente, le public a suivi. Mieux encore, il a répondu avec enthousiasme. Cette réussite raconte bien plus qu’un simple succès commercial : elle marque le retour assumé d’un RPG qui n’a plus peur d’être complexe.

Comment Clair Obscur et Baldur’s Gate 3 ont fait voler en éclats les mythes de l’industrie

Pendant des années, l’industrie du jeu vidéo a entretenu un récit bien huilé : la complexité serait un poids, un frein qui empêcherait le RPG d’évoluer. Selon cette logique, les joueurs réclamaient des expériences simplifiées, parfaitement lissées, presque aseptisées. Les RPG se sont alors peu à peu transformés : des cinématiques spectaculaires ont pris le pas sur la profondeur systémique, les builds complexes ont cédé la place à des loadouts élémentaires, et les choix moraux se sont résumés à de simples curseurs de bonne ou mauvaise conduite.

Puis deux titres sont arrivés, presque comme un rappel à l’ordre. Baldur’s Gate 3 et Clair Obscur: Expedition 33 ont rencontré un succès si éclatant qu’ils ont pulvérisé cette narration. Leur triomphe révèle une vérité longtemps occultée : les joueurs n’ont jamais rejeté la complexité. Ce qu’ils refusaient, c’était d’être considérés comme incapables de l’apprécier.

La fin de la rationalisation du marché

Le succès de ces jeux constitue une démonstration économique implacable. La profondeur n’est pas un handicap commercial, elle peut devenir un moteur puissant de désir et d’adhésion. Le mythe selon lequel la complexité ne se vend pas s’effondre sous le poids des chiffres.

Baldur’s Gate 3, RPG narratif dense, fondé sur un système riche en statistiques et inspiré directement du Donjons & Dragons au tour par tour, sans la moindre monétisation intrusive, incarnait ce que beaucoup qualifiaient de « cauchemar d’éditeur ». Pourtant, le jeu a conquis le public et dépassé les dix millions d’exemplaires vendus.

Clair Obscur: Expedition 33 s’inscrit dans cette même dynamique. Ce JRPG français, entièrement au tour par tour, se distingue par une écriture profonde, une direction artistique singulière et un système de combat exigeant. Là encore, le public a répondu présent.

Ces réussites mettent en lumière une réalité moins avouable : la simplification n’était pas dictée par les joueurs, mais par une rationalisation du marché. Réduire la complexité permettait surtout de contenir les coûts, de faciliter la monétisation et de lisser les indicateurs de rétention. Des voix majeures du genre, comme David Gaider, ancien scénariste principal de Dragon Age, ont salué la qualité de ces œuvres, allant jusqu’à comparer Clair Obscur au JRPG ce que Baldur’s Gate 3 représente pour le CRPG.

Le triomphe inattendu d’un studio agile (AA)

Le parcours de Clair Obscur: Expedition 33 raconte une histoire particulièrement révélatrice. Développé par Sandfall Interactive, un studio d’environ trente-deux personnes, le jeu a non seulement rencontré un succès commercial impressionnant, avec plus de cinq millions d’exemplaires vendus, mais il a également conquis la critique.

Le point d’orgue de cette reconnaissance s’est joué lors des Game Awards 2025. Clair Obscur y a établi un record historique, remportant neuf trophées, dépassant ainsi les huit statuettes obtenues par Baldur’s Gate 3 en 2023. Parmi ces distinctions figurent le prestigieux Jeu de l’Année, mais aussi Meilleure narration, Meilleure direction artistique et Meilleur RPG.

Ce succès met en lumière un contraste frappant : l’agilité face à la bureaucratie. Une partie de l’équipe, composée d’anciens d’Ubisoft, a su concrétiser une vision créative forte grâce à une structure réduite. Le directeur du jeu a d’ailleurs confié qu’un tel projet aurait été « quasiment impossible à faire valider » dans un grand studio, évoquant des décennies de procédures avant même de poser les bases du jeu.

Autre choix fort : le respect du temps du joueur. Sandfall Interactive a délibérément évité l’écueil du contenu artificiellement gonflé. Là où certaines superproductions étirent l’expérience jusqu’à l’épuisement, Clair Obscur propose une aventure dense, percutante et parfaitement calibrée.

L’innovation au cœur de l’expérience

Au-delà des chiffres et des récompenses, Clair Obscur: Expedition 33 brille par son gameplay, véritable terrain d’expérimentation créative. Le jeu démontre que l’innovation peut s’épanouir loin des budgets colossaux.

Son système de combat, bien qu’entièrement au tour par tour, intègre des mécaniques issues de l’action. Les parades précises et les esquives parfaites exigent rythme, attention et maîtrise, donnant aux affrontements une intensité rare.

La profondeur du système se révèle pleinement à mesure que la difficulté augmente. Des mécaniques comme la Fracture, la gestion fine des altérations d’état et des bonus obligent le joueur à analyser, anticiper et exploiter les failles ennemies. La construction des builds devient alors un véritable terrain de jeu stratégique.

En prouvant que les joueurs recherchent de la substance et sont prêts à investir dans des expériences exigeantes, Baldur’s Gate 3 et Clair Obscur: Expedition 33 ont permis au RPG de reconquérir son trône. Ils rappellent avec force que la créativité et la profondeur priment sur l’optimisation des marges.

Sandfall Interactive et les artisans du succès

Le studio Sandfall Interactive est dirigé par ses cofondateurs, dont la figure centrale reste Guillaume Broche. Il occupe le rôle de directeur du jeu (Game Director) sur Clair Obscur: Expedition 33. C’est lui qui est monté sur scène lors des Game Awards, où il a notamment remercié les créateurs de tutoriels sur YouTube, soulignant l’importance de la transmission et du partage.

Sandfall Interactive a vu le jour en octobre 2020, fondé par trois profils complémentaires :

  • Guillaume Broche, directeur créatif,
  • François Meurisse, producteur,
  • Tom Guillermin, directeur de l’équipe de développeurs.

Guillaume Broche et Tom Guillermin sont tous deux d’anciens employés d’Ubisoft. Basé à Montpellier, le studio est né autour d’un projet personnel de RPG imaginé par Guillaume Broche, initialement intitulé We Lost. Ce projet est devenu Clair Obscur: Expedition 33.

Lors des Game Awards 2025, le jeu a remporté un total de neuf prix, établissant un nouveau record pour l’événement, devant les huit trophées de Baldur’s Gate 3 en 2023. Parmi ces distinctions figurent :

  • Jeu de l’année (Game of the Year)
  • Meilleure direction (Best Game Direction)
  • Meilleure narration (Best Narrative)
  • Meilleure direction artistique (Best Art Direction)
  • Meilleur RPG (Best RPG)
  • Meilleure bande originale et musique (Best Score & Music)
  • Meilleure performance (Best Performance), attribuée à Jennifer English pour le personnage de Maelle
  • Meilleur jeu indépendant (Best Independent Game)
  • Révélation indépendante (Best Debut Indie Game)

À travers ces succès, Clair Obscur et Baldur’s Gate 3 célèbrent une même idée : le RPG n’a jamais cessé d’être un genre de réflexion, de choix et de profondeur. Il avait simplement besoin qu’on lui rende sa place.